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Beitrag vom 20.06.2013
Quand je veux quelque chose je l´ai - Une interview avec Bernadette Lafont
Sabine Reichelt
Le monstre sacré de la Nouvelle Vague est du retour sur l´écran de cinéma : Bernadette Lafont incarne le rôle-titre dans "Paulette". Une conversation sur le travail avec Claude Chabrol et ...
... François Truffaut, les films qui posent un regard critique sur la société, et le coup de chance de jouer un premier rôle à nouveau.
C´est un mardi en juin et le soleil brille sur l´Institut Français au Kurfürstendamm. Des touristes mangent de la glace framboise, alors que des femmes et hommes d´affaires se dépêchent pour arriver à l´heure à leurs rendez-vous importants. Au quatrième étage, devant la salle "Boris Vian", se trouve une foule de journalistes en attente de leur interlocutrice. On nous offre de l´eau et des petits fours arrangés sur un présentoir de table. Les organisatrices ont alloué vingt minutes à chaque un/e de nous. Car la femme attendue, Bernadette Lafont, elle est célèbre, aimée et en vue.
Née 1938 à Nîmes, elle fait de la danse classique et acquit des premières expériences de cinéma dans les films de la Nouvelle Vague. À l´époque, François Truffaut et Claude Chabrol, les réalisateurs, sont tous très jeunes et Bernadette Lafont, qui travaille avec eux, devient une personnalité du cinéma français en jouant des rôles principaux. Elle est Paulette à bicyclette aimée et détestée en même temps par un gang de garçons dans le court métrage "Les mistons" (1957), le premier film de Truffaut. Dans "Les bonnes femmes" (1960) de Chabrol elle incarne Jane, une de quatre vendeuses qui rêvent d´une meilleure vie avec un mari, mais plus tard sont désillusionnées par la réalité.
Lafont tourne "La fiancée du pirate" (1969) avec Nelly Kaplan où elle joue Marie qui montre leur hypocrisie petite-bourgeoise aux habitant/es d´un village. Des rôles principaux et secondaires succèdent au cinéma et depuis les années soixante-dix aussi au théâtre. L´actrice remporte deux Césars : en 1986 celui de la meilleure actrice dans un seconde rôle pour son incarnation de Léone dans "L´Effrontée" de Claude Miller et le César d´honneur en 2003.
Maintenant la comédienne joue Paulette dans le film du même titre de Jérôme Enrico. Paulette est une femme appauvrie de 80 ans habitant en banlieue qui commence à dealer du haschisch pour payer ses dettes. Elle est peu aimable, méchante et raciste mais son attitude change quand elle gagne de l´argent : elle devient plus conciliante et tolérante.
Ce mardi-là , Bernadette Lafont doit accorder tant d´interviews que toutes les dates sont occupées par deux ou trois journalistes. Elle est, quand même, gentille et drôle. Moi, je pose des questions avec un journaliste chevronné qui écrit pour des quotidiens autrichiens. Il a déjà rencontré Chabrol pour des interviews et il formule ses questions de manière expérimentée et compétente spontanément en allemand. Moi, j´ai préparé les miennes et je les pose timidement en français. Jörg Taszman sert d´interprète excellent et sensible.
AVIVA-Berlin: Paulette est un très beau rôle en général mais surtout pour une femme de votre âge. Si vous n´aviez pas eu ce rôle-là , comment est-ce que vous auriez réagi ?
Bernadette Lafont: Je suis arrivée à un point où je sais que j´étais très gâtée avec les rôles, et les films aussi. Parce qu´il faut avoir un beau rôle, mais il faut aussi que le film soit bon. Sinon, c´est même pire. Dans ce cas, j´étais sûre que j´aille le faire. En général, quand je veux quelque chose je l´ai. Surtout dans ce métier-là que je connais bien. Mais je me serai aussi bien consolée avec le théâtre et les lectures que je fais et où je prends beaucoup de plaisir.
AVIVA-Berlin: "Paulette" est une comédie mais le film parle aussi d´un problème réel : la pauvreté des personnes âgées. Est-ce que c´est important pour vous que vos films aient cet aspect critique envers la société ?
Bernadette Lafont: Jean Eustache qui a fait "La maman et la putain" disait: Les films les plus politiques sont ceux où on ne parle pas de la politique. Ce sont ceux qui sont vraiment un reflet de la société. Quand on prend "La maman et la putain", c´est un constat terrible d´après mai 1968. Le film est "Les liaisons dangereuses" du vingtième siècle. Ou prenez un bon film comme "Les bonnes femmes" de Chabrol. C´est un état des lieux. Mais on n´est pas là en train de faire du social, parce qu´il y a les sociologues pour le faire. Le bon théâtre et le bon cinéma sont des révélateurs formidables à travers des fables, à travers des choses un peu grossies d´une réalité. Sinon, ce n´est pas intéressant.
"Paulette" est raccordé directement avec les comédies italiennes des années soixante-dix : "Affreux, sales et méchants", "L´argent de la vieille", les films de Francesco Rosi qui sont des fables et des comédies mais aussi très réels. Et plus récemment, Ken Loach a fait des choses comme ça en Angleterre.
AVIVA-Berlin: Un des metteurs en scène les plus aimés, aussi dans les interviews, c´était Claude Chabrol. Comme vous avez tourné sept films avec lui vous avez dû l´aimer. Comment c´était de tourner avec lui ?
Bernadette Lafont: On a fait nos quatre premiers films ensemble pratiquement : "Le beau Serge", "À double tour", "Les bonnes femmes", "Les godelureaux" et un peu plus tard "Violette Nozière", "Inspecteur Lavardin" et "Masques". Il est quelqu´un qui est très lié à ma jeunesse. Je l´ai connu j´avais 18 ans. Chabrol avait 26 ans. À cette époque, nous étions tous très jeunes et lui, il était déjà une personne tellement brillante, intelligente, maligne et drôle. Il était aussi gentil dans le sens qu´il était intéressé par tout le monde. Il restait très fidèle à son équipe de techniciens et aussi aux acteurs et actrices : Il a eu d´abord moi, après Stéphane Audran qu´il a épousé, et plus tard c´était Isabelle Huppert. Et puis, il aimait vivre beaucoup, il aimait la bonne chère et le bon vin. Donc, quand on était à un nouveau lieu de tournage, le régisseur lui a dit quels sont les meilleures endroits qui pouvaient convenir pour le tournage au point de vue du décor et tout ça, et Chabrol, il demandait : "Où est-ce qu´est la meilleure table, où est-ce qu´on mange le mieux ?" Donc, c´était toujours très agréable de tourner avec lui, surtout quand on était avec Jean Poiret qui était aussi un vrai gourmet.
AVIVA-Berlin: Votre premier mari, l´acteur Gérard Blain, il ne voulait pas que vous devenez actrice. Comment est-ce que François Truffaut a réussi à convaincre Blain que vous jouez le rôle principal dans son film ?
Bernadette Lafont: Ça reste vraiment un mystère. On pourrait presque dire que c´était le destin. Quand Gérard ma connu j´avais 16 ans et j´étais fille au pharmacien en province, absolument pas du tout dans un milieu artistique. On s´est mariés un an d´après et il avait dit : "Tu ne feras jamais du cinéma." J´aurai jamais osé dire "je veux faire du cinéma." Maintenant tout le monde peut faire du cinéma. Mais à l´époque c´était impensable pour une gamine de province. Ça aurait été comme dire : Je veux aller dans la lune. C´est la folie. J´avais très envie de faire du cinéma parce que je l´aimais beaucoup, j´y allais beaucoup. Mais je gardais ça pour moi. Donc, je faisais de la danse classique. Et Gérard, qui savait très bien qu´avec le niveau que j´avais je n´irai jamais à l´opéra, disait : "Tu feras de la danse mais pas du cinéma."
Et puis, un jour, on a rencontré Chabrol, Truffaut, André Bazin et Éric Rohmer des "Cahiers du Cinéma". Chabrol et Truffaut disaient : "On va faire notre premier film." Il n´y avait pas de producteur, pas d´argent. Donc, comme acteurs et actrices ils ont choisi Gérard et moi, entre autres. Moi, je n´ai toujours pas compris comment Gérard avait accepté. Mais évidemment, je n´ai pas osé demander. Puis, ça s´est passé. Et quand on a fini "Le beau Serge" on est rentrés à Paris. Gérard m´a mis dans un train et il m´a dit : "Je pense qu´on ne va pas se revoir", parce qu´il avait bien compris que j´étais chez moi au cinéma. Donc, je me suis retrouvée à 19 ans, après un an et demi de mariage, chez ma mère.
AVIVA-Berlin: Vous êtes une actrice de cinéma mais vous faites aussi du théâtre, comme vous avez déjà dit. Dans une interview actuelle avec Paris Match vous avez raconté que le théâtre était une révélation pour vous. Comment cela?
Bernadette Lafont: J´ai fait toute ma carrière d´actrice de cinéma : de jeunesse jusqu´à 1978. Dans cette année, j´ai fait du théâtre pour la première fois. Avant, je tournais beaucoup et je n´avais pas eu de l´opportunité de faire du théâtre. Je venais directement de cinéma. Je suis vraiment quelqu´une qui se formait sur le tas. Enfin, au cinéma il n´y a pas de loi, mais en tout cas pas au théâtre. Donc, j´ai appris le théâtre en le faisant. Et j´ai compris dès la première pièce que c´était quelque chose qu´il fallait pratiquer beaucoup. J´ai vraiment fait beaucoup de chose au théâtre tout de suite, des tournées, pour pouvoir jouer jusqu´à j´arrive à avoir une certaine technique. Et puis, surtout arriver à dépasser le trac qui est la terreur du public. C´est tellement impressionnant d´avoir des gens qui sont là . Donc, il faut dépasser ce stade et pour le passer il faut beaucoup jouer.
AVIVA-Berlin: Encore une question à propos de "Paulette" : Quel était le plus grand défi d´incarner Paulette ?
Bernadette Lafont: Il ne fallait pas rater l´évolution du personnage. C´est à dire que le personnage au début est complètement clochardisé. Elle est vraiment vilaine, intérieurement et extérieurement aussi. Le physique reflète ça. Et puis après, elle retrouve sa dignité parce qu´elle retrouve quelque chose de sociale simplement. Même si ce qu´elle fait est totalement hors-la-loi, mais elle gagne de l´argent. Elle peut payer ses dettes, elle peut faire des cadeaux à son petit-fils, elle peut se payer une couleur, des vêtements etc. Mais il fallait faire tout ça sans perdre le caractère du personnage quand même, ce qui n´était pas facile. Il fallait s´accrocher au personnage. Heureusement, les situations du film étaient toujours très justes. Donc, c´est vrai que c´est très important de faire attention à la situation qui guide. Et il fallait aussi ne pas vouloir essayer de rendre le personnage plus gentil et plus intelligent, de l´arrondir quand elle dit des horreurs : Quand son petit-fils demande, "pourquoi tu ne m´aimes pas", et elle dit, "parce que tu es noir." Il fallait le sortir vraiment sans essayer de tricher avec le personnage. C´était quelque chose où il fallait être très vigilant et tenir les rênes de la bête.
AVIVA-Berlin: Est-ce que jouer un personnage méchant a fait du plaisir ?
Bernadette Lafont: Je crois de toute manière que les incarnations des méchants sont beaucoup mieux faites si ce sont des gentils qui le font parce qu´ils peuvent s´amuser. Les gens vraiment méchants, d´abord ça se voit. Il faut jamais être ce qu´on est dans la vie. Il faut composer toujours. L´intérêt de rôle c´est de comprendre, de pouvoir l´accepter complètement ce qui était écrit sans le juger, parce que quand on prend un rôle il ne faut pas essayer de faire la mise en scène ou de trafiquer quelque chose. Pour l´interprète le scénario est comme une partition de musique : Il faut vraiment jouer le sentiment qui a été mis par l´auteur ou le compositeur. Il faut être fidèle au personnage toujours. Même si on ne l´aime pas.
À propos de Paulette, elle n´est pas très intéressante. Elle n´est pas particulièrement intelligente. Elle est maligne, elle est commerçante. Mais ce n´est pas quelqu´une avec qui j´aimerais prendre des verres ou déjeuners. Parce que je n´aurai certainement pas de grandes choses à lui dire, mais l´incarner, c´était formidable.
AVIVA-Berlin: Bernadette Lafont, merci pour l´interview!
La sortie cinéma allemande de "Paulette" est le 18 juillet 2013.
La version allemande d´interview se trouve ici.
Nous regrettons profondément la mort de Bernadette Lafont. Elle est décédée le 25 juillet 2013.
Autres Informations:
Biographie et filmographie sur www.allocine.fr
Interviews avec Bernadette Lafont pour
Paris Match (2013)
www.femina.ch (2013)
tvmag.lefigaro.fr (2013)
www.telerama.fr (2012)
www.ina.fr (2002)
Critiques des films avec Bernadette Lafont sur AVIVA-Berlin:
Familientreffen mit Hindernissen (2012)
Triff die Elisabeths (2009)
Wenn wir zusammen sind (2009)
Les Petites Couleurs (2004)